Glossaire Q-Z

(Source : Précis de sémiotique littéraire, Paris, Nathan, 2000) 

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Schéma narratif : La grille culturelle  d’organisation narrative, déposée dans la mémoire collective par la tradition sous forme de « primitif », contextualise le déroulement des programmes dans un schéma canonique de portée générale qui ordonne leur parcours et en oriente les finalités : c’est le schéma narratif, où s’ins­crit une représentation imaginaire du « sens de la vie ». Au fil de reformulations successives, ce schéma, d’abord proche de l’univers des contes populaires (sous forme de trois épreuves : qualifiante, déci­sive, glorifiante), a été élargi en quatre séquences de portée plus générale (contrat, compétence, performance, reconnais­sance), ordonnées selon une double lecture de succession (de gauche à droite) et de présupposition (de droite à gauche). L’ultime formulation de ce modèle en trois sphères sémiotiques (manipulation, action, sanction) permet, au-delà des univers narratifs, de le considérer comme un schéma de la communication présentant le disposi­tif des rôles et des interactions essentiels, non seulement entre les actants du récit, mais entre les sujets du discours. S’y ins­crivent ainsi aisément les grands genres de la tradition rhétorique (délibératif – du côté de la manipulation –, judiciaire et épi­dictique – du côté de la sanction) ; le faire (l’action) est ainsi enserré dans les formes de discours qui lui donnent sens et valeur. 

 

Sème : Aussi appelé figure sémique, il constitue l’unité minimale de signification. Unité différentielle, il est le terme aboutissant d’une  catégorie,  c’est-à-dire d’une   structure relationnelle construite par des oppositions élémentaires constituantes (liberté/impuissance, vie/mort, nature/ culture, etc.) ou des différences graduables dans une échelle polarisée (froid/tiède/ chaud). Les types de sèmes sont variés, eu égard à la complexité des architectures sémiques. On retient généralement le noyau sémique (ou sème inhérent, ou générique) et le classème (ou sème contex­tuel, ou afférent).

 

Sémème : Effet de sens produit par un lexème lors de sa manifestation en discours, à travers l’ensemble des sèmes qu’il actualise, noyau sémique et sèmes contex­tuels. Le sémème désigne ainsi les signifi­cations réalisables ou réalisées d’un mot en contexte (les acceptions).

 

Sujet : Actant de l’énonciation (le sujet de la parole) et actant de l’énoncé (le sujet de faire et le sujet d’état), il se définit par sa relation avec un prédicat (modal ou descrip­tif). Pièce centrale de la scène actantielle, il se définit aussi par sa relation avec les autres actants : l’objet (de visée ou de crainte par exemple. avec lequel il est conjoint ou disjoint), le Destinateur (qui détermine l’orien­tation de son parcours) ou l’anti-sujet (qui s’y oppose). J.-Cl. Coquet a introduit le con­cept de non-sujet pour désigner l’actant de prédication mais non d’assomption, qui n’est pas engagé par les actes qu’il accom­plit, qui s’assimile à sa fonction en agissant « mécaniquement », qui se dissout dans ce qu’il a fonction de réaliser. Dans cette pers­pective, l’actant de la passion, perdant la maîtrise cognitive de son action, relève de la classe des non-sujets.  

 

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 Textualisation : Disposition des données discursives selon les contraintes dues à la linéarité de la manifestation verbale. Ainsi, deux actions parallèles ne peuvent être narrées simultanément : leur textualisation oblige à placer l’une avant l’autre, ou à occulter l’une pour que l’autre apparaisse. Cette « programmation textuelle » contraignante laisse en même temps une marge stratégique à l’énonciateur dans l’organi­sation de son texte. Lors de la textualisa­tion, le choix de la perspective du héros ou d’un anti-héros détermine la sélection des valeurs. Il peut aussi, en exploitant l’élasti­cité du discours, faire jouer les possibilités de la condensation (réduction, résumé jusqu’à la simple lexicalisation) et de l’expansion (amplification du texte). Le déroulement de la textualisation est ainsi relativement autonome par rapport à la programmation narrative elle-même.

 

Thématique, thématisation : Opération qui consiste à reconnaître, à partir d’une ou de plusieurs isotopies figuratives, une isotopie plus abstraite, sous-jacente aux contenus figuratifs dont elle condense la signi­fication globale, l’oriente et y intègre des valeurs. Ainsi, une « évasion » spatiale ou temporelle thématisera un départ en voyage ou une évocation de l’enfance en y actualisant la valeur « liberté ».

 

Thymie : « Disposition affective de base » déterminant la relation qu’un corps sensible entretient avec son  environnement : relation positive ou négative, dont le changement soudain et répétif donne lieu à la « cyclothymie ». Transposée en sémantique comme une catégorie classématique, la thymie s’articule en un versant positif, l’euphorie (cf. l’enthousiasme), en un ver­sant négatif, la dysphorie (cf. le désespoir) et en un versant neutre, l’a-phorie (cf. l’indifférence). La prise en compte de la masse thymique est au fondement de l’analyse sémiotique des passions.  

 

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Usage : Dû à L. Hjelmslmev qui l’a substitué à « parole » dans la dichotomie saussu­rienne langue/parole, l’usage désigne l’ensemble des habitudes linguistiques d’une société donnée. Résultant de la praxis énonciative collective, les produits de l’usage constituent la part imperson­nelle de l’énonciation et comprennent les schémas qui caractérisent l’organisation des grandes formes de discours (comme le schéma narratif), la fixation et la transfor­mation des genres, les registres (registre épique, lyrique, etc., et niveaux de langue), les lieux communs (topoï), la phraséologie figée, les blocs « précontraints » de discours, etc. Chacun convoque ces produits de l’usage dans l’exercice de la langue, et la créativité langagière consiste souvent à les révoquer (effet de style, par exemple). Si ces nouvelles formes « prennent », elles sont à leur tour reversées dans le pot com­mun, et comme telles convocables (cf. par exemple les expressions « à la mode »). Quoique ouvert à la variation et à la créati­vité, l’usage est loin d’exploiter toutes les virtualités de combinatoires offertes par le système (la langue), et on parle ainsi d’une fermeture de l’usage par l’histoire (con­traintes et codes de l’usage).  

 

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Valence : Condition d’existence et d’appa­rition des valeurs. Les valences constituent donc un préalable à la fixation des valeurs qui définissent les axiologies établies dans le discours (cf. la négociation des équi­valences). Elles se rapportent à la sensibili­sation des objets et forment le fondement des croyances que propose le discours. J. Fontanille a montré, par exemple, que chez Eluard les valences sont inchoatives : cela signifie que les choses ne peuvent être valorisées que si elles sont saisies dans leur commencement (aube, réveil de l’amante, naissance de l’enfant, élan de l’oiseau, prémices d’un sentiment, etc.).

 

Valeur : La sémiotique associe et intègre trois définitions du concept de valeur : lin­guistique (la valeur comme effet de sens différentiel), économique (la valeur comme ce qui définit le caractère désirable, négociable ou disputable d’un objet ou d’un bien) et axiologique (la valeur comme élément constitutif d’une visée éthique, de normes morales, d’un système esthétique). Ainsi conçue, la valeur peut recevoir une définition modale élémentaire (c’est, par exemple,  « l’être voulu », ou « l’être craint » de l’objet), être clairement distinguée de l’objet dans lequel elle s’investit (ce que le sujet vise, négocie ou arrache, c’est la valeur dont l’objet est affecté, miroir du sujet lui-même), être mise en circulation dans le cadre des struc­tures narratives (don, appropriation, échange, renonciation, conflit, etc.) et incarner le dispositif axiologique qui, issu du destinateur, l’a sélectionnée. Le proces­sus préalable qui conditionne l’émergence et la définition des valeurs établies relève du jeu des valences.

 

Véridiction : À la différence d’une conception de la vérité fondée, dans la théorie de la communication, sur l’adéquation du message à son référent, la sémiotique déve­loppe une analyse de la véridiction, c’est-à-dire des jeux du langage avec la vérité qu’installe en son sein le discours. Le croire vrai de l’énonciateur, quelle que soit la modalisation de sa certitude, ne suffit pas : il doit être partagé par le même croire vrai de l’énonciataire. Cet équilibre fragile, plus ou moins stable, provenant d’une entente implicite entre les partenaires de la communication est appelé « contrat de véridiction ». Ainsi déplacée vers les instances de l’énonciateur et de l’énonciataire, la question de la vérité s’inscrit dans les stratégies du « faire paraître vrai », où peuvent coïncider le faire persuasif de l’un avec le faire interprétatif de l’autre, faire croire et croire vrai. Les modalités véridic­toires, combinant être et paraître et leurs négations, génèrent les positions canoni­ques de la vérité (quand paraître et être coïncident), de la dissimulation et du secret (être + non-paraître), de la simulation et du mensonge (paraître + non-être), de la faus­seté qui marque une non-pertinence à l’intérieur du discours considéré (non-être + non-paraître). 



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